Le calorique, travail sur un être-question

A la fin du 18ème siècle, Lavoisier était parvenu à faire accepter une nouvelle théorie chimique où le phlogistique n’avait plus sa place. Néanmoins il reste bien une « divinité locale » qui a un rôle majeur dans tout ce système de connaissance : « l’acteur essentiel de cette théorie est le calorique, substance de la chaleur, ou matière du feu, qui s’insinue entre les molécules d’une substance et lui confère son expansibilité »[1]. Gardons à l’esprit, avant tout, qu’à cette époque — et même jusqu’au début du 20ème siècle — l’hypothèse atomique restait purement philosophique, des savants réputés comme Marcellin Berthelot, Henry Le Chatelier, considéraient cette vision inutile et même nocive pour l’enseignement. Donc la matière est pensée comme un milieu continu, et le terme de molécule est le plus souvent équivalent à « petite partie ».

Le calorique-substance
A la fin du 18ème siècle les savants parlent de la chaleur comme d’une substance qui passe d’un corps à un autre et vient s’insérer intimement dans la matière en la faisant gonfler. Dans la Méthode de nomenclature chimique (1787) de nos chimistes réformateurs Morveau, Lavoisier, Bertholet et Fourcroy, le terme calorique est employé de façon vague pour signifier une substance qui « est la raison » des phénomènes de chaleur, de dilatation et de changement de phase. En 1794 Fourcroy reste dans le même schéma : « Le calorique pénètre tous les corps ; il en écarte les molécules en se logeant entre elles; il diminue leur attraction; il dilate les corps; il fond les solides et raréfie assez les liquides pour les rendre invisibles, pour leur donner la forme d’air, pour les convertir en fluides élastiques, compressibles, aëriformes. »[2] Notons que sa démarche consiste à postuler les propriétés de cette substance pour voir ensuite si ces hypothèses permettent de déduire les propriétés observées. Pour Gaspar Monge le calorique est caractérisé par les propriétés suivantes : « 1° le calorique est un fluide impénétrable, compressible, élastique, d’une ténuité extrême, et jouissant envers les molécules de tous les autres corps d’une tendance dont la loi varie selon la nature de ces corps; 2° les molécules mêmes de tous les corps ont les unes pour les autres une tendance dont la loi diffère aussi suivant leur nature » puis Monge revient sur chacun des termes fluide, impénétrable, compressible, pour préciser leur sens en tenant compte des phénomènes les plus connus. Le calorique est ce qui empêche les molécules de tomber les unes sur les autres ce qu’elles ont tendance à faire naturellement. Quand on chauffe un corps, on lui met plus de calorique donc il se dilate. Si le calorique était incompressible, cela voudrait dire que le calorique qu’on apporte ferait sur un corps une augmentation fixe de volume, mais on voit bien que la dilatation dépend des corps concernés, il faut donc que le calorique prenne plus ou moins de place selon les cas. Si un solide chaud est en contact d’un plus froid, c’est par l’élasticité du calorique que s’explique l’uniformisation des températures.[3] Pour les auteurs de cette période « il n’y a nulle part deux molécules qui se touchent : les molécules sont toutes séparées les unes des autres par des courbes de calorique interposé »[4].
On voit que le langage du calorique-substance est compatible avec une vision granulaire de la matière. « La chaleur, écrit Arbogast en 1791, en élevant la température des corps, en écarte les molécules, produit la dilatation; de cette manière les mo­lécules des corps obéissent à deux forces, l’une attractive, l’autre répulsive, et suivant le rapport qui existe entre ces for­ces, les corps se trouvent dans trois états différens, savoir de solide, de liquide, de fluide élastique. »[5] On savait déjà à cette époque que l’eau se contractait en passant de 0 à 4°C, malgré cette difficulté, laissée de côté, les scientifiques, comme souvent, se félicitent des progrès réalisés : « Pendant longtemps, écrit Socquet en 1801, on s’est servi des mêmes expressions pour désigner cette substance et ses effets, en confondant les noms de feu et de cha­leur. Plus exacts aujourd’hui, les chimistes et les physiciens modernes ont donné des termes précis et limités à chaque chose […] On entend par le mot calorique la substance dont nous nous occupons actuellement, privée de toute combinaison, ou au moins supposée telle ; par chaleur, la sensation produite par son passage abondant sur nos organes ; par tempé­rature, ses effets sur des corps (non animés), par retraite, ou par dilatation ; enfin par le mot de feu, cette substance devenue comme visible par son union avec la lumière. »[6]
Au demeurant la démarche détaillée par Monge prête à polémiques sur les propriétés qui sont à considérer a priori. Par exemple Arago et Fresnel en 1826 refusent une communication soumise à l’Académie sur le sujet parce que « l’hypothèse proposée par M. Gaudin n’est pas nouvelle, du moins dans sa partie essentielle, savoir que le calorique est le produit de la réunion de deux électricités »[7]. D’autres comme Lamarck rejettent, et la théorie de Lavoisier, et le calorique. Cette substance est sujette à débats et interprétations.[8]

Le calorique grandeur différentielle
Une autre approche se fit jour, due au développement prodigieux du calcul différentiel au tournant des 18ème et 19ème siècles : pour la mécanique des fluides (Lagrange, Euler, Navier) et celle des solides élastiques (Cauchy). Ceci suggérait de prendre la question du calorique dans l’autre sens : au lieu de postuler des propriétés de cette substance afin de voir si on éclairait ainsi les observations, la nouvelle approche consistait à ne rien admettre a priori, partir des propriétés macroscopiques observées et supposer simplement que celles-ci se répartissent dans les corps selon une certaine densité. Ce passage à la limite fournissant soit un scalaire (comme la densité massique) soit un vecteur (champ de force par exemple) soit une matrice (tenseur d’élasticité) etc.
Le calorique résume alors ces outils de calcul différentiel pour décrire les propriétés calorimétriques des solides, liquides et gaz. Il est la réunion de la température locale, la matrice d’élasticité, le champ de capacité calorifique, et permet — en théorie — de calculer les phénomènes pour des corps homogènes de forme quelconque (avec la difficulté chez tous ces auteurs mathématiciens que résoudre signifie en ce temps-là résoudre avec une fonction dont on trouve le développement en série explicite). Les propriétés du calorique sont exprimées alors par une équation différentielle, en l’occurrence aux dérivées partielles. Cette phase historique fait l’objet d’un beau livre de Gaston Bachelard auquel je renvoie en mentionnant simplement quelques points en rapport à notre propos.[9]
C’est probablement Jean-Baptiste Biot qui représente le mieux la transition entre les deux points de vue. « La plus grande partie des physiciens et des chimistes, écrit-il, regardent le calorique comme une matière à laquelle ils attribuent plusieurs propriétés analogues à celles que possèdent les autres substances matérielles, telles que l’élasticité, la compressibilité et la faculté d’entrer en com­binaison avec d’autres corps. Ces propriétés matérielles, ils les lui supposent par analogie ; car, comme on ne peut voir le calo­rique ni le toucher, ni le peser, ils sont obligés, tout en le regar­dant comme une matière, de le dépouiller, au moins pour nos sens des propriétés les plus apparentes, par lesquelles nous puis­sions nous assurer de l’existence matérielle des corps, je veux dire l’impénétrabilité et la pesanteur. » Cette façon de dépouiller un être-question de certaines propriétés apparentes, est typique du début de ce que nous appelons la phase de « renforcement expérimental ». Dans la préface de l’édition récente de ce livre de Bachelard, André Lichnerowicz écrit « Le calorique meurt peu à peu comme fluide «réel»; il n’est vraiment remplacé dans son rôle qu’aux temps de la mécanique statistique et l’on comprend alors, mais alors seulement, pourquoi l’introduction d’un tel fluide «fictif», en tant qu’instrument heuristique n’était point déraisonnable. » « n’était point déraisonnable » est un euphémisme, Bachelard et Lichnerowicz mettent le doigt sur une voie de connaissance absolument fondamentale. La période difficile à admettre d’un point de vue philosophique est évidemment cette phase où les propriétés supposées de l’être-question ont été considérablement réduites par le renforcement expérimental, dans le cas précis cette période est celle qui débute avec les traités de Biot (1816) et de Joseph Fourier (1822) jusque vers la fin des années 1860 avec les travaux de Maxwell et Boltzmann. Durant cette phase on ne sait pas l’être véritable du calorique, il n’y a donc pas d’autre solution que de l’admettre comme un être supplémentaire.
Parmi les savants qui s’occupent de cette question, Joseph Fourier ne semble guère se soucier de ces questions ontologiques, il n’emploie pas le terme de calorique, sauf pour citer des travaux d’autres auteurs ou pour étudier le calorique rayonnant. Les travaux de Fourier sur la chaleur sont importants parce qu’ils auront un sillage historique considérable en mathématiques : en théorie du potentiel ce qui est naturel car cette théorie est le prolongement de l’étude des équations écrites par Fourier, Poisson et Gauss sur la chaleur, mais aussi dans la fameuse théorie des séries de Fourier car celui-ci entend résoudre le problème de la répartition de température dans des corps de forme explicite et en particulier dans les lames rectangulaires et il utilise pour cela la séparation des variables et une nouvelle méthode de développement original en série trigonométrique et non en série entière comme il était d’usage le plus souvent. Ces idées sont présentées par Fourier à l’Académie dès 1807 et Poisson en souligne l’importance l’année suivante[10]. Fourier réunira ces idées dans sa Théorie analytique de la chaleur (Didot, Paris 1822).
Bachelard semble ignorer la présentation de ce mémoire à l’Académie et sa répercussion rapide parmi les savants[11], il attribut faussement une antériorité aux travaux de Biot[12]. Mais surtout il sous-estime la portée des idées de Fourier en relevant qu’il ne pose pas de façon rigoureuse les conditions aux limites des problèmes dont il trouve une solution, aspect qui nourrira les recherches des mathématiciens sur le « problème de l’équilibre », le « problème du balayage », et le « problème de Dirichlet » jusqu’au milieu du 20ème siècle[13].
Auguste Comte, quant à lui, a une admiration non dissimulée pour Fourier. Il lui consacre presqu’entièrement la 31ème leçon du Cours. Ainsi, comme l’usage d’idées et d’interprétations est à bannir de la science à ses yeux, Comte pardonne à Fourier d’avoir nommé flux de chaleur « la quantité de chaleur plus ou moins grande, qui, en un temps donné, traverse perpendiculairement une aire plane de grandeur déterminée » c’est-à-dire la notion mathématique de flux d’un champ de vecteur (ici un champ de gradients)[14]. Poisson n’est même pas cité. Pour Comte la démarche de Fourier est exemplaire de la science positive : il sépare les phénomènes de rayonnement des phénomènes de conduction et se concentre pour ces derniers sur le cas des corps homogènes pour dégager des lois mathématiques en faisant abstraction des phénomènes de dilatation et de convection : c’est la thermologie mathématique.
François Arago partage cette admiration et fait de Fourier le théoricien de l’effet de serre à propos du calorique rayonnant : « tandis que le calorique qui émane d’une matière fortement échauffée, mais encore obscure; tandis que les rayons de calorique, qui se trouvent mêlés aux rayons lumineux d’un corps médiocrement incandescent, sont arrêtés presque en totalité dans leur trajet au travers de la lame de verre la plus transparente ! » Et Arago poursuit « cette remarquable découverte pour le dire en passant, montra combien avaient été heureusement inspirés, malgré les railleries de prétendus savants, les ouvriers fondeurs qui, de temps immémorial, ne regardaient la matière incandescente de leurs fourneaux qu’à travers un verre de vitre ordinaire, croyant, à l’aide de cet artifice, arrêter seulement la chaleur qui eût brulé leurs yeux. »[15]
Les travaux mathématiques de Siméon Denis Poisson sur la chaleur sont plus rigoureux sur certains points que ceux de Fourier (dont il fut un des premiers à reconnaître l’importance)[16] mais également moins riches d’idées risquées. Il prend la peine de récuser une autre théorie du calorique fondée sur les vibrations d’un fluide impondérable. Dans ces travaux, « molécule » signifie ce que les mathématiciens appellent « germe » et qui n’est pas du tout un grain mais une limite, un élément différentiel, donc dont les dimensions n’ont pas d’importance et qui sont les propriétés élastiques et thermiques limites d’un petit élément de plus en plus petit, pondérées convenablement pour que la limite existe. Ceci est corroboré par les modes de raisonnements utilisés en théorie de l’élasticité par Cauchy, et celui-ci proposera d’ailleurs une théorie du calorique pour les corps non isotropes comme cela est bien naturel mathématiquement[17], les calculs seront menés à bien par Jean-Marie Duhamel et d’autres selon des motivations strictement mathématiques (cf. Bachelard op. cit.).
On peut dire qu’à partir de 1840 le calorique en tant que substance a quasiment disparu de l’enseignement supérieur et n’est plus employé que comme équivalent du mot chaleur dans les expressions composées chaleur latente, chaleur spécifique quantité de chaleur. En 1845 Robert von Mayer énoncera le principe de la conservation de l’énergie confirmé par les travaux de Benjamin Thompson, Prescott Joule, William Thomson. Et Rudolph Clausius reprendra les fondements de la thermodynamique à partir des idées de Sadi Carnot sur les cycles, en montrant aussi que celui-ci était allé trop vite en croyant que le calorique était conservé.

Prévalence de la théorie atomique et de la mécanique quantique
Ce n’est que très lentement que la nature granulaire du monde microscopique finit par s’imposer. En soi, la thermodynamique perfectionnée par Clausius, en introduisant le second principe et la notion d’entropie, ne portait pas atteinte à la conception différentielle de la chaleur, au contraire on pouvait ainsi perfectionner la thermodynamique des milieux continus en raisonnant sur les éléments de volume élémentaires. Même le succès de la théorie cinétique des gaz (Maxwell, Boltzmann) à rendre assez bien compte des propriétés macroscopiques laissait entière la question de la propagation de la chaleur dans les solides et dans les cristaux. La température est alors interprétée comme l’énergie cinétique moyenne des molécules, en tenant compte des vibrations internes (four à micro-ondes) selon un principe d’équipartition de l’énergie, si les effets quantiques sont négligeables.

Le rôle des « idoles »
Dans la préface, André Lichnerowicz souligne « le rôle des « bases figuratives » porteuses d’intuition et de motiva­tion, et la permanence des modèles mathématiques obtenus, par rapport à l’évolution et à la mort d’êtres de raison dont beaucoup sont devenus pour nous inintelligibles » et il ajoute « Ce sont les grands concepts physiques et les modèles mathématiques durement acquis qui restent permanents et portent l’intelligibilité des phénomènes physiques. Nos idoles, elles, sont destinées à s’effacer comme des images passagères, toutes char­gées de psychisme collectif certes, mais porteuses un temps de moti­vations précieuses et d’une sagesse physique certaine ». Le phlogistique, le calorique, l’éther sont des « idoles » ainsi que ces particules élémentaires qui s’avèrent souvent par la suite être composées d’autres granules…
Bachelard et Lichnerowicz ont encore conservé la vision positiviste que, in fine, les idoles « sont destinées à s’effacer », vision contredite par toutes les entités qui sont les êtres durables des sciences de la nature, et qui exclut tout pluralisme. Mais l’un comme l’autre ont perçu le rôle fondamental d’inscription dans la durée de ces entités supposées.
Notons que la sociologie des sciences a pointé la présence de ces entités dans la science. Seulement, en ne parlant des êtres-questions qu’en terme de constructions sociales, et en employant à leur propos à peu près les mêmes vocables que ceux qu’on utilisait contre la superstition, elle laisse entendre, faussement, qu’il pourrait y avoir un processus social de maîtrise de l’interprétatif et donc de la conduite des contenus de connaissance. Elle est ambitieuse et combattive dans cette direction qui a de quoi choquer la vision traditionnelle. Mais ce faisant elle passe largement à côté de ce qui est le plus essentiel à mes yeux pour l’avenir : comprendre l’importance de ces êtres-questions dans notre appréhension de l’éventuel.
Bachelard épistémologue insiste sur l’interprétation dans la fabrication de connaissance, il est aussi sensible aux idées des la psychanalyse. Il a relié dans ses ouvrages ces deux sources de compréhension de la connaissance. Dès lors doit-on le considérer comme un précurseur des idées de Jonas et de Lacan sur les craintes et le savoir ?
Sa vision de la science ne se départ pas de la culture de l’époque et transparaît bien dans quelques textes périphériques où il traite de questions plus académiques. Tel est le cas d’un article de 1934 où il porte sa réflexion sur les contours de la science : « Critique préliminaire du concept de frontière épistémologique »[18]. Bachelard s’en prend d’abord aux limites imposées de l’extérieur par des philosophes qui entourent « la pensée par un ensemble de positions prétendues essentielles« . Et il poursuit, visant sans doute Boutroux, Husserl ou Bergson « Les partisans de la limitation métaphysique de la pensée scientifique se donneront le droit de poser a priori des bornes qui sont sans rapport avec la pensée qu’elles limitent. Cela est si vrai que le concept obscur de chose en soi est utilisé presque inconsciemment pour spécifier les impossibilités des sciences particulières. Ainsi le métaphysicien répétera : vous ne pouvez dire ce qu’est l’électricité en soi, la lumière en soi, la matière en soi, la vie en soi ».
Puis Bachelard prend plus nettement parti « La question de la frontière de la connaissance scientifique n’a aucun intérêt pour la science ». Cette affirmation a aujourd’hui une résonance toute différente (pensons aux externalités en économie). Pouvait-il le soupçonner ? Bachelard n’est préoccupé que de philosopher sur la méthode. En prenant l’exemple de la quadrature du cercle, il montre que l’impossibilité n’est pas synonyme de limitation de l’ambition réflexive, tout au plus le signe d’un problème mal posé.
En revanche l’étape suivante n’est plus positiviste, c’est l’introduction du concept bachelardien de « transcendances expérimentales » qui qualifie le processus d’élévation ontologique devant les complexités observées, de sorte que « La pensée scientifique est par essence une pensée en voie d’assimilation, une pensée qui tente des transcendances, qui suppose la réalité avant de la connaître et qui ne la connaît que comme réalisation de sa supposition ». Au lieu de suivre la voie des néopositivistes d’écarter les termes généraux, Bachelard considère que la science elle-même est capable d’une Aufhebung de sa pensée qui rend vain tout discours destiné à l’envelopper. Il fonde son « optimisme » sur le fait que « le monde caché sous le phénomène est plus clair que le monde apparent. Les premières constitutions nouménales sont plus solides que les agglomérations phénoménales ».
Aussi conclut-il avec des accents dignes de Renan : « Le devoir de la philosophie scientifique semble alors net. Il faut ronger de toute part les limitations initiales, réformer la connaissance non-scientifique qui entrave toujours la connaissance scientifique. La philosophie scientifique doit en quelque manière détruire systématiquement les bornes que la philosophie traditionnelle avait imposées à la science. Il est à craindre en effet que la pensée scientifique ne garde des traces des limitations philosophiques ».
Bachelard gardait une forme de rationalisme encore fortement marquée de progressisme positiviste. Il était dans cet entre-deux.


[1] B. Bensaude-Vincent, I. Stengers, Histoire de la chimie, La Découverte 1995.
[2] A. F. Fourcroy Philosophie chimique ou vérités fondamentales de la chimie moderne, disposées dans un nouvel ordre. Bruxelles An III de la République (1794).
[3] Texte de Monge de 1783, cf. R. Taton « A propos de l’œuvre de Monge en physique » Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, t3, n°2, 174-179, (1950).
[4] Monge ibid.
[5] Acte public de physique particulière sous la présidence de Louis-F. A. Arbogast, recteur de l’Université Strasbourg, l’an III de la liberté.
[6] J. M. Socquet, Essai sur le calorique, 1801.
[7] Cf. H. Chabot « Le tribunal de la science. Les rapports négatifs de l’Académie des sciences comme illustration d’un scientifiquement (in)correct (1795-1835) » Ann. hist. de la Révolution Française n°320, avril-juin 2000.
[8] J. B. Lamarck « Réfutation de la théorie pneumatique et de la nouvelle doctrine des chimistes modernes » Paris an IV de la République, (1795).
[9] G. Bachelard Etude sur l’évolution d’un problème de physique, la propagation thermique dans les solides (1927) Vrin 1873.
[10] S. D. Poisson, « Mémoire sur la propagation de la chaleur dans les corps solides, par M. Fourier présenté le 21 décembre à l’Institut national » Nouv. Bull. Sci. Soc. philomath., Paris, t.1, 112-116, 1808.
[11] Lagrange et Darboux notamment, cf. P. Dugac qui écrit « Ce livre de Fourier, qui foisonne d’idées nouvelles, contient aussi la définition d’une fonction entièrement arbitraire c’est-à-dire une application au sens moderne et non un objet défini par sa forme analytique » (Fondements de l’Analyse, in Abrégé d’histoire des mathématiques 1700-1900, ss la dir. de J. Dieudonné, Hermann1978).
[12] J. B. Biot Traité de physique expérimentale et mathématique, Deterville, Paris, 1816.
[13] Problèmes remarquablement présentés par Gauss en 1840 dans l’interprétation de la mécanique « Allgemeine Lehrsätze in Beziehung auf die in Verkehrten Verhältnisse des quadrats der Entfernung wirkenden Anziehungs und Abstossungs-Kräfte ».
[14] « Contraints de penser à l’aide de langues jusqu’ici toujours formées sous l’influence exclusive ou prépondérante d’une philosophie théologique ou métaphysique, nous ne saurions encore entièrement éviter, dans le style scientifique, l’emploi exagéré des métaphores. On ne doit pas reprocher à Fourier ce que les expressions précédentes contiennent, sans doute, de trop figuré. » A. Comte 31ème leçon.
[15] F. Arago « Eloge historique de Joseph Fourier », 18 nov. 1833.
[16] S. D. Poisson Théorie mathématique de la chaleur, Paris 1835; « Mémoire sur l’équilibre et le mouvement des corps cristallisés » 28 oct 1839.
[17] Pour expliquer l’anisotropie « il faut nécessairement supposer que par une addition de calorique les molécules intégrantes non seulement s’écartent les unes des autres mais changent réellement de forme » (Sept leçons de physique générale faites à Turin en 1833 par Augustin Cauchy).
[18] Actes du VIIIème Congrès International de Philosophie, Prague sept. 1934, Orbis, 1936.