Bienvenue au Centre de Recherche du PCV, le Pôle des Créateurs du Vivant. Nos hôtesses Lulu et Nana vont vous guider. Nous vous demandons de parler à voix basse pour ne pas troubler l’inspiration de nos artistes.
— Bonjour à tous, je suis Lulu, née il y a vingt ans en 2018.
— Bonjour à tous, je suis Lulu, née il y a vingt ans en 2018. Avec ma sœur, nous sommes les premières femmes Génétiquement Modifiées et aussi les premiers humains GM. Je suis titulaire d’une licence de biologie ; je vais vous conduire dans le Centre et j’essaierai de répondre au mieux à vos questions. Par ici, s’il vous plaît.
Le premier atelier est celui des angiospermes, autrement dit les plantes à fleurs. Vous voyez, il y en a à profusion. Mais il ne s’agit pas de variétés comme en font les fleuristes. Ici les plantes sont génétiquement modifiées, leur ADN a fait l’objet d’un design spécifique. Par exemple, beaucoup de chercheurs s’intéressent aux fleurs dont le nombre de pétales est un petit nombre premier, comme 7 ou 11, parce qu’ils pensent qu’on doit retrouver ce nombre quelque part dans l’ADN. C’est une question fascinante de savoir si la biologie de synthèse peut faire des fleurs à 7 pétales, alors que le polygone régulier de 7 côtés n’est pas constructible avec la règle et le compas !
Un visiteur :
— Et ces grandes marguerites que nous voyons là, avec des pétales alternativement rouges et bleus ?
Lulu :
— Ah ! C’est une de nos réussites, les pétales sont distinctement rouges ou bleus sur la même fleur. Il s’agit là d’une commande de Sa Majesté la reine d’Angleterre pour les jardins du palais de Buckingham. Évidemment, comme tous les centres de recherche, nous avons des contrats publics et privés.
Après les fleurs, nous arrivons dans la volière des lépidoptères : ne craignez rien, ces volatiles sont inoffensifs. Ici, nos créatifs prolongent la longue histoire de la peinture depuis les artistes de Lascaux, en passant par Rembrandt, Vermeer, etc. Ils réalisent de splendides ailes à ces papillons, raffinées et en harmonie avec le style de votre jardin : à l’italienne, ou plus géométrique, à la française, ou encore à l’anglaise genre Turner.
Celui-ci avec des croissants blancs sur fond rouge, c’est une commande de la Turquie.
Un visiteur : — Et ces petites bêtes sont ensuite relâchées dans la nature ?
Lulu :
— Il y a pour cela des procédures d’agrément précises et détaillées
qui prennent en compte le métabolisme des chenilles. Vous n’avez peut-être pas remarqué cette inscription gravée au-dessus de l’entrée du Centre : « Nous faisons ce que la nature a toujours fait », c’est très important, la théorie de l’évolution est notre fondement scientifique. Peut-être connaissez-vous le cas du phalène du bouleau. C’est un papillon qui, de blanc qu’il était dans les forêts, a évolué dans les villes en devenant gris par mélanisme industriel, comme on dit.
Un visiteur :
— Alors les papillons de Collonges-la-Rouge en Dordogne devraient être rouges?
Lulu :
— Il faut du temps et de grandes populations pour que les probabilités soient significatives. Nous, ici, en travaillant sur l’ADN, évidemment nous allons beaucoup plus vite.
Nous arrivons maintenant dans l’espace des recherches sur les mammifères. Je ne peux tout vous expliquer, car nombre de ces travaux sont secrets et protégés par des brevets. C’est normal, étant donné les frais considérables que nécessitent les équipements de laboratoires et la rémunération des compétences de haut niveau dont nous avons besoin. Un thème qui représente un budget pluriannuel considérable, financé par l’Australie, concerne le travail sur les relations entre mammifères placentaires et marsupiaux. Pour dire cela simplement, nous souhaitons créer des mammifères intermédiaires qui puissent jouer le rôle de zone tampon entre les deux communautés. Vous connaissez les ravages que les chats font là-bas… Les résultats ne sont pas encore là, c’est de la recherche, vous comprenez !
En revanche il y a quelque chose qui marche vraiment très bien, ce sont nos tout petits chimpanzés. Adultes, ils ne font pas plus de 15 centimètres et peuvent tenir dans la poche de la veste. Ce qui est formidable, c’est qu’ils savent répondre au téléphone portable. Ça plaît beaucoup. Ce sont nos plus grosses ventes.
Nous traversons la salle des stagiaires. Ils sont étudiants en master ou en thèse, orientés créativité. Ce ne sont pas encore de grands artistes qui connaissent la profondeur sociale de l’art, alors ils apprennent au contact de créateurs plus avancés. On ne leur demande pas de mener à bien tout le processus créatif, mais d’en décrire les étapes en détail. Ils seront jugés sur la qualité de ce programme. Par exemple, parmi les thèses en cours, il y a la réalisation d’une licorne, et une autre sur une approche du marsupilami de Franquin.
Nous entrons maintenant dans le laboratoire Kandinsky. Grâce à ces parois vitrées, vous apercevez des travaux en cours. Les chercheurs ici sont de très haut niveau. Il s’appelle laboratoire Kandinsky parce qu’on passe de l’art figuratif à l’art abstrait. C’est une transition formidable. Ce que vous avez vu jusqu’à présent n’était plus ou moins que des imitations, ici on invente véritablement. Je ne suis pas en mesure de dévoiler les résultats, mais je peux vous montrer ce dessin d’une sorte de pieuvre avec des yeux au bout des tentacules : c’est un projet. Ce que Kandinsky avait compris, c’est que l’art abstrait n’est pas du n’importe quoi, il sort simplement des signifiants habituels.
Un visiteur :
— Est-ce que nous pouvons voir un ADN ?
…